Récemment, je me suis mise à relire des romans lus il y a quelques décennies années, comme si ma PAL n'était pas assez haute... J'aime bien me replonger dans des livres pour lesquels je n'ai plus qu'un vague souvenir (ça c'est alzheimer) et les redécouvrir avec un autre regard (la maturité que ça s'appelle...)
Virginia Woolf, c'est d'abord les versions du prof d'anglais sadique en hypokhâgne (et ce n'est pas qu'une légende urbaine, le prof d'anglais sadique...) Et puis je m'y étais aussi essayée en français à la même époque, effleurant le génie de Virginia Woolf sans vraiment réussir à le percer.
Cette "2ème fois" a été plus que concluante et je pense avoir bien plus apprécié ce roman qu'à ma première lecture (la maturité vous dis-je). Alors ce n'est sans doute pas le roman le plus accessible de la grande dame pour aborder son oeuvre, le style étant essentiellement descriptif et l'action bien mince.
Mais si on arrive à rentrer dans le roman, on est émerveillé par cette écriture tellement talentueuse, où les phrases coulent et s'enchaînent malgré leur grande complexité et on s'extasie sur la justesse des réflexions sur la nature humaine. Comme un bon thé, ce roman se déguste par petites gorgées.
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Dans un tout autre genre, j'ai aussi aimé relire cette courte histoire du chilien Sepulveda.
Nous sommes ici plongés dans la forêt amazonienne où une femelle ocelot s'attaque à la population d'un village du coin pour se venger d'un gringo qui a tué ses petits. Le maire du village fait alors appel à Antonio, vieil homme qui connaît la forêt comme sa poche pour avoir longtemps vécu avec les indiens Shuars. A cette connaissance quasi encyclopédique de la forêt, s'ajoute une passion tardive pour les romans d'amour, ce qui donne à ce personnage une dimension très touchante.
Nous sommes ainsi entraînés par la plume acérée de Sepulveda dans un très beau roman, qui nous fait sourire comme il nous émeut. Un roman à plusieurs facettes qui nous montre tout le talent de son auteur: Sepulveda nous dépeint des personnages hauts en couleur et des scènes d'une grande cocasserie (ah! la visite mensuelle du dentiste qui arrache les vieux chicots des villageois sur une estrade puis leur fait essayer des dentiers comme d'autres des paires de chaussures!), mais il écrit aussi un roman très humain, avec ce personnage de vieux terriblement émouvant qui peuple la grande solitude qui l'habite depuis la mort de sa femme avec des romans d'amour.
Enfin, ce récit peut être lu comme une fable nous faisant réfléchir sur la façon dont l'homme doit utiliser les ressources naturelles sans les piller. Un propos écologique avant que ce ne soit à la mode (puisque le livre a été écrit en 1987).